Les déformations synsédimentaires sont localisées
uniquement dans le Membre moyen du Calcaire gréseux
de Hennequeville, sur le littoral de Villerville à Hennequeville.
Elles affectent les bancs calcaréo-gréseux ainsi que les
interbancs silteux. Les affleurements littoraux permettent de les étudier
dans les trois dimensions : à la verticale dans la falaise, de
la pointe du Heurt (base de la falaise) à Hennequeville (sommet
de la falaise vive), et à l'horizontale, sur le platier rocheux
de la baie de Villerville.
Genèse des déformations synsédimentaires
de Hennequeville (d'après O. Dugué, 1997, Le Jurassique des Côtes du Calvados)
Ces déformations s'expliquent par une liquéfaction
du sédiment, qui se met alors en mouvement, se déforme,
et se mélange à la phase solide.
Pour qu'il y ait liquéfaction, il faut la conjugaison
de deux facteurs : un sédiment aux propriétés
thixotropiques et un ébranlement du sédiment.
En ce qui concerne le premier facteur, les sédiments du
futur Membre moyen du Calcaire gréseux de Hennequeville
sont bien de nature thixotropique ; en effet, il s'agit de sables
fins (5 à 25 % de particules de quartz et 15 à
plus de 50 % de spicules d'éponges sphériques et
lisses), bien classés, plus ou moins riches en boue carbonatée.
Gorgés d'eau, de tels sables, suffisamment poreux et faiblement
compactés, peuvent se liquéfier sous l'effet d'un
ébranlement mécanique.
Pour le deuxième facteur, les chocs mécaniques
pourraient être dus, entre autres, à des phénomènes
hydrodynamiques (courants de flots, brisants de tempête,
forte houle) ou à des secousses sismiques. Actuellement,
l'hypothèse retenue par les sédimentologues est
celle de l'origine sismique (O. Dugué, 1989). Cette hypothèse
s'accorde avec le regain d'activité épirogénique
de la bordure du bassin de Paris à l'Oxfordien supérieur.
Ainsi, les déformations synsédimentaires du Calcaire
gréseux de Hennequeville seraient les témoins d'anciens
séismes ayant ébranlé la marge orientale
du bloc armoricain. |
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La surface inférieure du banc calcaréo-gréseux
Y présente des excroissances qui s'enfoncent dans les silts
sous-jacents ; l'une d'elles a donné naissance à un bulbe,
presque détaché du banc. La surface supérieure, mollement
ondulée, est moins déformée. La dysharmonie
entre les deux surfaces s'explique par le fait que lors de la diagenèse,
le sommet du banc carbonaté se consolide plus rapidement que la
base. Ainsi, lors de la déformation, la base, moins cohérente,
s'est beaucoup plus fortement déformée que le sommet, plus
compacté.
L'érosion a creusé une fine gouttière entre
le banc calcaréo-gréseux et une auréole
périphérique, de 1 à 2 cm d'épaisseur,
particulièrement résistante.
Affleurement 1a
Photo à survoler |
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Ces déformations synsédimentaires
d'échappement ont bouleversé la stratification du Membre
moyen et les bancs X et Y sont difficilement identifiables sur ce rocher
isolé de la falaise ; des fragments de bancs calcaréo-gréseux
(beige clair) issus de la dislocation des bancs X ou Y, traversent les
silts (à patine noire et cassure ocre) à l'oblique. En arrière-plan,
dans la falaise, on aperçoit le banc Y, alternativement épaissi
et étiré.
Affleurement 1a |
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Déformation en cuvette, en vue verticale,
à la base de la falaise (pointe du Heurt)
Deux excroissances verticales du banc gréseux, volumineuses,
isolent une cuvette dont les silts sus-jacents épousent
le fond. De part et d'autre de la cuvette, le banc gréseux
s'amincit puis s'interrompt. |
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Dislocation du banc gréseux, observée
à la base de la falaise de pointe du Heurt. |
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Figures d'expulsion et d'invagination
du banc gréseux supérieur du membre moyen (banc Y). Des
ampoules silteuses se retrouvent piégées dans le banc gréseux.
Ces déformations se sont produites au cours d'une
liquéfaction du sédiment.
Photo
à survoler |
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Déformation en dôme sur le platier
rocheux de Villerville.
L'expulsion vers le haut de sédiment liquéfié
a provoqué la formation de dômes sableux à
la face supérieure du banc calcaréo-gréseux
; entre les dômes, les dépressions sont remplies
par les silts sus-jacents parcourus par des pistes-galeries. |
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Vue d'ensemble des déformations du banc
gréseux Y sur l'estran.
La face supérieure du banc Y apparaît moutonnée
suite aux déformations en creux et dômes successifs
; à marée basse, l'eau est retenue dans les multiples
cuvettes. |