Au Bajocien supérieur, dans le secteur de Port-en-Bessin, le dépôt
du Calcaire à spongiaires participe
à la construction d’une première ébauche
de plate-forme carbonatée (partie
distale du domaine interne). Le milieu
de sédimentation est calme, hors d’atteinte de l’action
des houles ordinaires, ce qui permet la décantation de fines
particules carbonatées. Des prairies d’éponges de grande taille (jusque 30 cm) colonisent les fonds boueux. La présence
de lits d’éponges renversées indique que le milieu
est soumis à l’action des vagues de tempête. De tels
environnements s’observent actuellement autour d’îlots
des Bahamas, à une profondeur comprise entre 5 et 10 m, en milieu
subtidal.
La subsidence de la plate-forme et le taux de sédimentation relativement
élevé contribuent à l’importance du dépôt
: 10 m à 20 m de Caen à Bayeux pendant une durée
correspondant à une sous- zone d’ammonite (sous-zone à
Bomfordi, à l’intérieur de la zone à Parkinsoni).
La Surface de Port-en-Bessin 1, surface
d’érosion tronquant le sommet du Calcaire à spongiaires,
indique une augmentation brutale de la tranche d’eau dans le bassin
sédimentaire ; elle marque la fin du Bajocien et l'accentuation
de la phase transgressive.
Au début du Bathonien inférieur, le dépôt
des calcaires marneux des Couches de passage,
horizon condensé et fortement bioturbé, correspond à
un net ralentissement de la sédimentation : 0,50 m de dépôt pour une zone d’ammonite (Zig-Zag)
; la montée relative du niveau marin entraîne un approfondissement du milieu de sédimentation.
Le fond sablovaseux est maintenant hors de portée de l’action
des vagues de tempête, il reçoit moins d’apports
sédimentaires et il abrite une faune fouisseuse abondante. La
fréquence des coquilles d’ammonites témoigne d’une
ouverture de la mer vers le large. La Surface
de Port-en-Bessin 2, surface de discontinuité qui termine
les Couches de passage, marque un arrêt de la sédimentation
; elle correspond à un maximum transgressif (surface d’inondation maximale).
Au Bathonien inférieur (suite) et moyen (première
partie), avec les dépôts terrigènes fins
des Marnes de Port-en-Bessin, le régime
de sédimentation change brusquement, dans un contexte toujours transgressif : la sédimentation
carbonatée est remplacée par une sédimentation
terrigène fine et le taux de sédimentation augmente
considérablement : 35 à 40 m de dépôts pour
une zone et demie d’ammonites (Tenuiplicatus et Progracilis pro
parte).
Le milieu de sédimentation appartient au domaine de plate-forme externe, ouvert sur le large (faune pélagique)
et sur le sillon marneux périarmoricain subsident , lieu d’accumulation
de terrigènes fins. L’environnement est suffisamment calme
pour permettre la décantation de particules argileuses. La subsidence importante de la plate-forme permet l’accumulation de 35 m de
sédiments dans des conditions globalement constantes.
Dans le membre supérieur de la formation des Marnes de Port,
l’enrichissement en bancs calcaires correspond à des apports
plus fréquents de sables bioclastiques lors de tempêtes.
La tranche d’eau diminue par comblement progressif du bassin ;
celui-ci passe dans le domaine de plate-forme interne, moins distal,
dans un contexte de régression.
Les dépôts bioclastiques de la formation des Calcaires
de Saint-Pierre–du-Mont correspondent au retour à
une sédimentation carbonatée de plate-forme interne ; celle-ci se poursuivra
pendant le Bathonien moyen et supérieur.
Pendant la même période (du Bathonien inférieur
au Bathonien moyen), et plus au Sud, dans les secteurs de Caen
et Falaise, se développe en domaine
interne une plate-forme carbonatée avec le dépôt des sables bioclastiques fins du Calcaire
de Caen, équivalent latéral des Marnes
de Port-en-Bessin.
Cette plate-forme se comble progressivement et le milieu de sédimentation
devient plus proche du rivage, comme l’attestent les indices de
haute énergie (litages obliques) ; les courants côtiers
et de marée participent au dépôt des sables bioclastiques
grossiers du Calcaire de Creully, au Sud,
et de son équivalent latéral, les Calcaires
de Saint-Pierre-du-Mont, au Nord.
Ainsi, durant le Bathonien, les corps sédimentaires carbonatés,
développés d’abord au Sud (Caen), migrent vers le
Nord (Port-en-Bessin) et repoussent la limite méridionale du
Sillon marneux. Cette évolution de la sédimentation correspond
globalement à une régression.
Par ailleurs, dans la mer bathonienne, subsistent des îlots et des écueils formés par
les paléoreliefs de grès paléozoïques (terminaison
sud-est du synclinal de la Zone bocaine). Une abondante faune fixée
s’y développe et participe à une sédimentation
carbonatée de type périrécifal, avec accumulation
de débris de polypiers et de bioclastes variés (crinoïdes,
oursins, bryozoaires, brachiopodes, lamellibranches, spongiaires…).
Les calcaires bioclastiques grossiers qui en résultent constituent
le Faciès de bordure des écueils (qui apparaît dès le Bajocien supérieur). Les îlots
seront complètement ennoyés par les sédiments calcaires
au cours du Bathonien. |